Bref résumé du 1er jour 30 décembre 2012

3EME SEMINAIRE INTERNATIONAL DE REFLEXION ET D’ANALYSE: “… PLANETE TERRE ET MOUVEMENTS ANTISYSTEMIQUES…”

Ce qui fut le jour était en fait la nuit. La pleine lune du 30 décembre est apparue au moment où ont été publiés les communiqués de l’EZLN que l’on connaît tous maintenant et qui nous donnent un nouveau souffle d’espoir. Leur lecture au CIDECI est venue clore (ou au contraire ouvrir) avec intensité la réflexion menée tout au long de cette journée du 3eme séminaire à partir des interventions et de l’action quotidienne: la lutte des peuples pour leur dignité est plus vivante que jamais. Le silence n’est pas une absence, sinon un “autre” message, un signal qui rompt avec les cris, le matraquage publicitaire et le spectacle. Un signal qui en impose par son incroyable sérénité silencieuse, un processus qui est en marche depuis longtemps parce qu’il vise la profondeur et la durée.

Session Vespertina

Maria-Helena Revello & Mitra Coronel (MOCASE-VC/MNCI-Argentina) Maria-Helena Revello et Mitra Coronel ont présenté la lutte qu’elles mènent dans la région de Santiago del Estero, au centre-ouest d’Argentine, une province où l’idéologie du progrès a pénétré en 1980 avec la culture du coton. Maria-Helena a parlé la première. 8 ans après l’introduction du coton, il est devenu évident que le progrès était en fait synonyme de spoliation et la population s’est alors mise à réfléchir et à chercher dans ses lois et son histoire, des ressources pour résister. Le mouvement a commencé à partir d’une question simple : A-t-on le droit de lutter pour garder nos terres ? On a commencé avec peu de monde, mais la dynamique a pris, de sorte qu’en 1990 on était suffisamment nombreux pour créer le Mouvement paysan de Santiago del Estero, avec 5 centrales, équivalent de ce que les zapatistes nomment les “Caracoles”. L’une des premières victoires de l’organisation a été de faire tomber le Gouverneur qui a impulsé cette dynamique de spoliation et qui dirigeait d’ailleurs la province depuis 50 ans. “Aujourd’hui, plus de 9000 familles paysannes luttent ensemble. Des compañeros ont été assassinés, d’autres sont en prison, mais on se mobilise pour les défendre et les faire sortir. On ne demande rien au gouvernement, on en fait que réclamer l’effectivité de nos droits”. Les compañer@s soulignent qu’il existe une spoliation sélective, qui se matérialise par des attaques politiques et paramilitaires contre les populations isolées. Des mères sont même jetées en prison du fait de lutte contre les expulsion. A Santiago del Estero, il y a au moins une chose qui est très claire pour les gens : « Les capitalistes ont achetés le gouvernement, mais nous, ils ne peuvent pas nous acheter. Nos terres, on les défend parce qu’elles sont rouges du sang de nos compañeros. Pour nous, chaque compañero qui tombe est comme une graine qui est plantée. » De son côté, Mirta précise qu’en 2005, ils se sont rendus compte que d’autres provinces faisaient face à des problématiques similaires, raison pour laquelle s’est créé le Mouvement National Paysan Indien. Pour lutter contre l’exode rural des jeunes qui vont chercher une vie qu’ils imaginent meilleure en ville, le mouvement a développé une expérience éducative et en 2007, une école d’agroécologie a vu le jour. Depuis cette date, entre 50 et 70 jeunes se forment et sortent avec un diplôme. C’est une sorte d’université paysanne. Une université qui n’est en rien traditionnelle, car basée sur l’expérience des jeunes producteurs de la région et sur une conscience politique de la nécessité de lutter contre les agrotoxiques et de garder/récupérer la terre. Le mouvement compte sur 4 transmetteurs radio, rendus nécessaires par les distances de plus de 100 km qui existent entre les diverses centrales. Pour finir, les compañeras nous ont invité à “globaliser les luttes pour globaliser l’espoir”.

Arturo Anguiano

Auparavant, Arturo Anguiano, qui se définit lui-même comme un “citoyen marginal”, a fait un exposé mordant et corrosif de l’actualité politique institutionnelle du pays et a planté le cadre des antagonismes politiques entre ceux d’en-haut et ceux-d’en bas. Un en-haut politique qui vit dans l’illusion de son reflet, de ses mensonges où il existe une liberté de vote, une alternance politique, de nouveaux riches… Et un en-bas politique qui subit l’appropriation privative, l’exploitation, l’exclusion, l’abandon… et qui vit la politique d’État comme un cauchemar et une persécution. Les actuelles politiques de la peur (guerre contre le narcotrafic) ont détruit le tissu social et en même temps que la crise de l’État s’aggrave, on renoue avec les formes autoritaires de pouvoir. « On est les spectateurs du pouvoir. Quand on décide de vivre de manière autonome, on nous criminalise. Il n’y a pas d’alternatives possibles dans la voie électorale et les partis et ce constat nous amène à nous détourner de l’État. » Les résistances quotidiennes en sont jamais totalement contenues et la révolte au jour le jour continue. Il faut faire en sorte que celles-ci prennent de la force, s’étendent et pour ça il faut leur donner de la visibilité et les articuler. Face au recyclage des vices du pouvoir, il y a l’EZLN de l’autre côté du spectre, qui récupère des formes ancestrales d’autogouvernement et d’organisation. “La lutte d’aujourd’hui est celle de l’utopie égalitaire et démocratique”.

Félix Diaz

La séssion vespertina à débuté avec Félix Diaz, originaire de la communauté Qom de la province de Formosa, au nord-est d’Argentine et qui a présenté son espérience de lutte. “Je suis ici pour la confiance que ma communauté m’a donné”. Il nous a apprit que l’état a créé une loie qui légifère la propriété des terres, pour toujours et quand la communauté s’organisera comme association civile, qui doit accomplir avec les protocoles buraucratique de fait, comme le paiement de taxes et de logiques, qui n’ont rien à voir avec la dynamique interne d’une communauté. Une clause de cette loie disait que si l’association civile n’avait pas de registre d’activité depuis vingt ans, le territoire devenait propriété de l’Etat. Plusieurs années durant, cette dynamique perverse a permit à l’Etat des expropriations jusqu’à ce que la communauté est dit “assé”, comme en 2010 lorsqu’ils provoquèrent des barrages routiers.

Félix nous expose sa vie de persécution, la sienne et celle de sa famille. La manière avec laquelle le gouvernement à contracté des tueurs à gages pour l’assassiner mais que la solidarité est toujours présente. Il nous a aussi commenté le cas d’autres compañeros, morts pour défendre leurs territoire, comme le compañero Roberto Lopez asséssiné par des francs-tireurs durant une action dans sa communauté, fait qui a provoqué de nombreuses mobilisations. Félix et son épouse qui a, avec son fils, subit des attaques physiques par le gouvernement, ils ont su continuer la lutte pour la justice à l’intérieur de la communauté.

Comme nous le commente Félix, le paradoxisme est qu’en Argentine il éxiste une loie appelé 26.160, qui reconnait le droit des peuples indigenes à récuperer les terres des communautés qui ont été exproprié par le mensonge et la violence. Cependant l’idée de la personalisation juridique de la communauté comme association civil, jusqu’aujourd’hui, s’inscrit comme une dynamique perverse qui permet à l’état de faire croire en une chose et en executer une autre.

Félix nous informe que la province de Formosa subit le même gouverneur depuis 1983 et que lui et sa communauté savent que le gouvernement ne résoudra pas les terres expropriés, malgré ça il n’oublierons pas que ces terres sont les leurs. Ils ne l’oublie pas car leurs vies, leurs esprits et leur culture dépend de ce territoire pour être, pour exister. “Notre lutte est pour ceux qui ont un coeur de chair, non pas d’argent et de pierre”.

Séssion matutina

Jerome Baschet

Jérôme a partagé une réflexion sur l’insustentabilité du capitalisme. Le débat ouvert à l’assemblée s’est orienté vers la vie quotidienne comme l’espace temps dans lesquels se produisent et se reproduisent cette réalité systémique. Faire revivre le sentiment de la proportion, habiliter la centralité de la fraternité, l’amitié et toutes ces formes non capitalistes qui depuis toujours nous met en relation, comme possibilité de continuer à construire ici et maintenant un autre monde possible. Avec une ambiance clairement du type d’Ivan Illich, les pensés de Jérôme nous rapelle que les questions super-structurelles ne dépendent que de nous, de ce que nous faisons au quotidien comme société. Des brêches, les résistances et les luttes sont ces brêches que nous devons motiver pour sauver la Madre Tierra (Mère Terre) et l’humanité, récuperer notre horizontalité comme possibilité de construction d’un autre type de relations sociales.

Xochitl Leyva

Xochitl s’est demandé comment la politique de la “multiculturalité” a été capable de changer un évenement aussi transcendent pour les communautés mayas, comme l’aboutissement d’un cycle temporel, en une marchandise, dans un discours profondemment politique et social. Elle nous a permit de voir comment des créations théoriques sont capables de fetichiser des processus historiques et comment, l’état contemporain, se lie à se fetichisme comme un promoteur de plans touristique et rien de plus. Cela génère une forme de rideau qui couvre les processus vivants de lutte, de signification, de cosmovision et que ces dynamiques ne sont pas sans rapports. Elle fait partie d’une politique d’invisibilité de la lutte, de la banalisation de l’histoire. Xochitl nous propose de ne pas seulement nous connaitre, sinon de nous cosmo-connaitre. Dans un dialogue ouvert avec l’assistance, Xochitl a insisté sur la nécessité de doter notre vision de la réalité d’un esprit critique, d’une précision analitique qui nous permettent d’aller au-delà de la démagogie et la simple position planflétaire, et nous permette d’avancer à la transformation de la réalité, là où nous nous sommes arrêté, là où notre vie quotidienne se développe.

Mercedes Olivera

Mercedes nous a présenté un spectre intense d’actions colectives qui, vue avec la perspective des communiqués du commandemant zapatiste lue la nuit passé, nous explique que le silence est une action continue pour celui qui lutte, non pas une immobilité. Elle a insisté sur des questions de propriété de la terre non pas depuis la logique capitaliste, étatique, masculine, sinon qu’il est important de repenser la relation avec la terre. Pour commencer, depuis la perspective féminine, la femme comme propriétaire direct de la terre face au logique de monopole masculine qui laise la femme du migrant, de l’endetté, dans une position de déposséssion absolue et de dépendence totale au volonté de l’homme. La problématique n’est pas simple, incluant le litige de primogéniture contre la mère pour la possession de la terre qui rend évident que la figure masculine monopolise la représentativité valide face au pouvoir dans beaucoup d’endroit, par rapport à la propriété. Dans un débat avec l’assistance du séminaire, il a été question de l’idée même de propriété “il ne s’agit pas que l’homme ou la femme soit propriétaire, le problème est la propriété privée”. Ce point est clairement important, mais d’une forme abstraite et générale. Cependant, dans un sens concret et particulier, ici et maintenant, nous avons un problème de discrimination, de ségrégation de la femme face à la propriété, a conclut Mercedes.

Julio Broca. Unitierra Puebla.